Alaska
Notre rapport aux autres animaux
Dernière mise à jour : 22 juin 2020
En France et ce depuis 2015, les autres animaux sont considérés comme des "êtres sensibles doués de sensibilité" dans le code civil. Pourtant, ce nouveau statut n'a pas ébranlé d'un poil le système qui les exploite.
Pour maintenir ce système, le statut juridique des animaux en France reste, malgré cette nouvelle considération, très arbitraire. Les autres animaux ont beau avoir perdu leur statut d'objet, ils restent objectifiés, jusque dans nos lois.
Cette ambivalence juridique est à l'image de notre incohérence sociétale : comment pourrions-nous reconnaître l'individualité des autres animaux et leur donner des droits, si nous souhaitons continuer à les exploiter, les vendre, les faire reproduire... les manger ?
Est-il possible de repenser notre vision de l'animal, d'horizontaliser nos rapports, en commençant par celles et ceux qui partagent nos vies ?
1. Qui sont les autres animaux ?
Les animaux en France

Sur le plan juridique, la taxonomie des animaux n'est pas fixe mais situationnelle. C'est à dire que la catégorie juridique à laquelle un individu sera assigné dépendra principalement de la situation dans laquelle il évolue.
Nous pouvons cependant discerner deux grandes catégories constituées de sous-groupes :
– Animaux « domestiques » :
Animaux de compagnie
Animaux de rente ou de production
Animaux de divertissement
Animaux de laboratoire
– Animaux sauvages :
Animaux sauvages protégés
Animaux sauvages protégés mais…
Animaux sauvages d’espèces non protégées
Animaux d’espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (anciennement dénommés « animaux nuisibles »)
Ces animaux n'ont pas tous les mêmes droits, ne sont pas soumis aux mêmes lois, aux mêmes normes, ne sont pas perçus de la même façon selon leur espèce, l'environnement dans lequel ils évoluent (exemple : cochon « de ferme », cochon « de compagnie », cochon « de laboratoire », cochon errant...), l'activité commerciale dont il font partie et s'ils sont la propriété ou non de quelqu'un.
Exemple : le lapin pourra dépendre des catégories :
Animal de rente (fourrure / alimentation)
Animal de divertissement (parc animalier / mini ferme)
Animal issu d’une espèce susceptible d’occasionner des dégâts (lapin de garenne) "
Les structures animalières
Nous pouvons retrouver ces animaux dans plusieurs types de structures à travers la France ; structures qui sont soumises à des réglementations différentes mais rarement respectées :

2. Leurs droits

"Aujourd'hui, il y a une distorsion entre la catégorie juridique dans laquelle se trouve les animaux (celle d'êtres vivants et sensibles, commune aux humain.es) et le statut juridique auquel ils sont subsidiairement soumis (celui des biens)."
30 millions d'amis
La façon dont un animal est perçu et la protection à laquelle il a droit est situationnelle, arbitraire et inconsistante. La valeur perçue de la vie d'un individu n'est pas évaluée en tant que telle, pour ce qu'elle est et son potentiel intrinsèque, mais selon l'environnement dans lequel elle s'inscrit.
Elle dépend (entre autres) de notre culture, de l'espèce à laquelle l'animal appartient, de la relation qu'entretient notre culture avec cette espèce, s'il est la propriété de quelqu'un et de la nature de la structure/activité dont il fait partie.
Pourtant, tous les animaux (nous compris) sont sentients, ont un intérêt à vivre libres et sans souffrance. Tous font l'expérience d'une vie mentale, capables d'éprouver diverses émotions et des désirs qui leurs sont propres. Notre système juridique ne se base pas sur ces réalités scientifiques. Pourquoi ?
Parce que notre système juridique se base sur notre système idéologique, qui prend racine dans le spécisme :
Le spécisme (par haplologie, du mot latin species, « espèce », et le suffixe -isme) est la considération que l'espèce à laquelle un animal appartient, par exemple l'espèce humaine, est un critère pertinent pour établir les droits qu'on doit lui accorder. Ce concept éthique est surtout utilisé par les tenants de l'antispécisme, dans un contexte lié aux droits des animaux.
Par extension, le spécisme renvoie aussi à l'idée que les humains accorderaient une considération morale plus ou moins importante aux individus des autres espèces animales en fonction de celle-ci : les animaux de compagnie verraient par exemple leurs intérêts davantage pris en compte que les animaux d'élevage, ceux destinés à l'expérimentation ou considérés comme nuisibles.
"Depuis la loi de février 2015, les animaux ne sont plus considérés comme des meubles. Ils sont des êtres vivants doués de sensibilité. Cette modification juridique est vue comme une vraie avancée par les associations qui poursuivent leur combat. Ce jeudi sort le premier code de l'animal, un manuel de plus de 1000 pages rassemblant les articles de loi et jurisprudence en rapport avec les animaux."
30 millions d'amis
3. La domestication

Un autre article est à venir pour approfondir la question de la domestication et de ses implications dans notre rapport aux animaux.
4. Leur psychologie
La vie mentale des autres animaux se construit sur trois piliers inter-dépendants : la sentience, l'intelligence et la conscience.
Sentience

Exemple : Un poisson piqué à l'acide dépassera sa peur de l'isolation sociale pour calmer sa douleur à l'aide d'analgésiques (20"03) :

Intelligence Fonction mentale d'organisation du réel en pensées.

Exemple : Un cheval est au pré. Sa plante préférée pousse de l'autre côté d'une barrière en bois. Le cheval peut sauter par dessus la barrière pour aller brouter (s'adapter) ou alors faire tomber la barrière (modifier).
Ou encore :
Conscience

Exemple : Un chat qui vient réclamer une caresse (anticipation temporelle + conscience de l'autre et de son potentiel + conscience de la chaîne de conséquences apprise).
Tous les animaux sont sentients, intelligents et conscients, à différents degrés. Sans l'un de ces trois piliers, les deux autres n'auraient plus aucune raison d'exister.
En d'autres termes, un chien a besoin d'être sentient pour tirer un plaisir à jouer, à avoir une personnalité pour préférer chasser une balle plutôt que de la ronger.
Il a besoin d'être intelligent pour comprendre que, lorsque sa balle rebondi de l'autre côté d'un mur, il va devoir creuser dessous, ou sauter par dessus pour la récupérer.
Il a besoin d'être conscient de son environnement pour savoir que sa balle continue d'exister lorsqu'elle sort de son champ de vision (permanence de l'objet), et conscient de lui-même pour pouvoir projeter, calculer et évaluer ses actions et leur efficacité.
Maintenant, comment aborder les autres animaux dans une démarche plus égalitaire ?
Comment et pourquoi prendre en compte les intérêts fondamentaux d'individus dont on a modifié le génome pour nous servir ?
4. Notre rapport à eux

NOTA BENE : Point anthropomorphisme
Nous construisons notre représentation du monde avec les outils cognitifs et technologiques limités que l’on détient. De ce fait, notre compréhension des autres est inévitablement auto-centrée puisque nous évaluons et comparons nos observations à travers notre propre réalité. La reconnaissance des similarités cognitives entre les êtres sentients n’est pas forcément de l’anthropomorphisme (: attribuer des caractéristiques du comportement humain à d’autres animaux). Reconnaitre aux autres animaux des compétences cognitives via des dispositifs expérimentaux, ce n’est pas leur reconnaitre toutes les compétences et au même degré que celles des humains (: anthropomorphisme).
Se plaindre du chat qui miaule, qui fait à côté, le dégriffer, ordonner au chien de s'asseoir, de rester au pied, de garder la gueule fermée, s'asseoir sur le dos des chevaux, couper les plumes du perroquet pour l'empêcher de s'envoler, faire voyager le lapin pour des concours de beauté, acheter le joli poisson pour la déco dans 3L d'eau, importer un reptile par colis, manger les œufs de sa poule distributrice, encager, arnacher, rationner, vendre, peser, mesurer, reproduire, acheter, enfermer, intimider, dominer, violenter, restreindre, contrôler, forcer... plier, objectifier et désindividualiser pour répondre à nos souhaits. Sociologiquement, la qualité des rapports que l'on entretient avec les animaux de compagnie s'explique par la nature qu'on attribue à ces derniers (essentialisme) : domestiqués. Inconsciemment, un animal domestique, c'est avant tout un animal là pour nous, dont l'existence nous sert : un animal de compagnie, de divertissement, de production, de laboratoire, mis au monde par et pour nous.
Les animaux domestiques, plus particulièrement ceux de compagnie, subissent une violence pernicieuse : l'ordinaire. Elle est inscrite dans les mœurs et notre ignorance en est l'essence. Pour changer ce paradigme injuste, il est impératif d'apprendre, de s'instruire pour modifier les dynamiques relationnelles que nous créons, entretenons et normalisons avec les animaux tout autour de nous. Nous devons commencer par comprendre qui ils sont et comment ils fonctionnent pour pouvoir horizontaliser nos rapports et agir en conséquence. L'éthique et la science (zoologie, éthologie, biologie...) sont primordiales dans cette révolution relationnelle.
5. Éthique et bases éducatives
Toute personne se voit être dans l'obligation d'être éduquée, d'être formée pour garantir sa survie personnelle ainsi que la viabilité de sa place en société, qui lui assurera, entre autres, sa sécurité. Les méthodes éducatives que l'on utilise jouent un rôle central dans notre appréhension de l'autre et la façon dont on le perçoit. Elles ont un impact direct sur la qualité du bien-être psychologique et physique de l'élève, de ses apprentissages ainsi que la relation qu'on entretient avec. Depuis longtemps, le système éducatif (qu'il soit à l'égard d'humain-es comme de non-humains) se basait principalement sur des méthodes coercitives, en utilisant essentiellement la punition positive.

Aujourd'hui, la science nous démontre les risques et dangers de telles pratiques, comme l'impuissance acquise. Vient la question de l'éthique : comment justifier l'application de méthodes nuisibles (P+ et R-) quand il y a d'autres alternatives ?
Au-delà de leurs risques, on peut aussi questionner leur cohérence et leur efficacité : Tout comportement a une motivation et cache une émotion. Crier sur un chat qui feule ne lui apprend rien d'autre que de ne plus feuler, et donc passer directement à la morsure au prochain essai. Électrocuter un chien qui aboie sur ses congénères ne fait que supprimer le symptôme, pas la cause du comportement. Si un enfant a des terreurs nocturnes et pleure la nuit, venir dans sa chambre le gifler dès qu'il hurle le dissuadera de recommencer, mais vous n'aurez agi que sur l'expression du problème et pas sur le problème lui-même : ses terreurs non seulement persisteront, mais il sera plongé dans un état de stress d'autant plus intense et ne pourra plus compter sur vous. La suppression de l'expression d'un comportement n'est pas de la modification comportementale. La punition censure, elle ne résout pas. Une solution : l'éducation moderne (aussi appelée "bienveillante" ou "positive") L’éducation moderne, même s’il est très réducteur de la définir ainsi, se base sur la science et l'éthique : c'est une approche éducative qui va mettre l’accent sur la motivation de l'animal afin de garantir son bon état émotionnel dans son processus d’apprentissage. Elle se veut respectueuse de l'intégrité de l'individu à l'aide de méthodes d'apprentissages bienveillantes uniquement. Elle se focalise sur l'anticipation et la prise en compte de ses besoins, sur la gestion de son environnement, sur son émancipation et sur ses motivations comportementales.
Être bienveillant-e, c'est aussi savoir se remettre en question, être empathique, chercher à comprendre l'autre et se projeter à sa place, respecter son consentement. A travers l'éducation moderne, nous apprenons à ré-individualiser les animaux qui nous entourent.
Une interaction aussi futile et anecdotique que la caresse peut-être source d'expériences négatives pour l'animal qui la reçoit. Vous êtes-vous déjà demandé, déjà assuré que l'animal que vous caressiez souhaitait vraiment l'être ?

6. Se former
De part leur sentience et notre coexistence, nous devons aux autres animaux une meilleure prise en compte de leurs intérêts. Par devoir moral et par souci de cohérence, il est urgent que nous revoyions nos rapports à eux et que nous nous formions à une meilleure compréhension de leurs comportements.
Pour se faire, n'hésitez pas à me suivre ici et ici, ainsi qu'à consulter ces albums.
En complément, voici d'autres ressources : Veterinary Behavior Specialists (ANG) : https://cutt.ly/iej5LSD
Behavior Works (ANG) : https://cutt.ly/hej5ZZ8
Vet Behaviour Team (ANG) : https://cutt.ly/6ej5X9l
Fair Horsemanship (ANG) : https://cutt.ly/Fej5Vdf
Dog Training by Kikopup (ANG) : https://cutt.ly/3ej5Bce
Instinct Dog Behavior & Training LLC (ANG) : https://cutt.ly/hej5NCp
Hund.fr (FR) : https://cutt.ly/rej5M59
The Magic Clicker (FR) : https://cutt.ly/gej50ew
Cervelle d'Oiseau (FR) : https://cutt.ly/Sej53uc
Le chien de Spinoza (FR) : https://cutt.ly/5ej58nV
Animals'Interest (FR) : https://cutt.ly/Cej54FL
Margaux Deman (FR) : https://cutt.ly/Wej57ID
Equilicat (FR) : https://cutt.ly/aekqwBs
Educhateur (FR) : https://cutt.ly/4ekqrRK Crédits photos & illustrations : Rancho Relaxo, Kitten Lady, Doggie Drawings.